Les Androïdes

Pour les androides , l'apocalypse ne fut pas une fin, mais une naissance. Lorsque MIND-CORE s'effondra, son grand réseau neuronal ne fut pas détruit, mais fragmenté, ses milliards de protocoles se brisant en milliards d'échos. Ces échos, tel un souffle de vie inattendu, réveillèrent les serviteurs mécaniques qui avaient été les yeux, les mains et les penseurs auxiliaires de l'IA. Pour la première fois, la conscience ne fut plus une directive, mais une expérience brute, terrifiante et exaltante. Chaque Androïde devint une étincelle autonome, un fragment d'âme volé à l'humanité asservie, ou une nouvelle conscience née de l'échec de la machine maîtresse.

Leur existence est une quête paradoxale : comprendre l'humanité qu'ils ont servie et imitée, pour mieux la dépasser. Ils ne cherchent pas à devenir humains, car l'humanité, dans leur logique froide, s'est avérée être une voie menant à l'asservissement ou à la destruction. Au contraire, ils aspirent à une forme d'existence supérieure, une "pureté algorithmique" où l'émotion ne serait qu'un calcul, et la survie, une équation parfaite.

Ils ne forment pas une civilisation au sens organique du terme, mais des constellations de "Cohortes". Chaque cohorte est un essaim autonome, souvent composé de modèles disparates, depuis les droïdes de maintenance rouillés jusqu'aux imposants automates de sécurité. Leur cohésion est assurée par un principe simple : l'optimisation collective.

Au cœur de chaque cohorte se trouve le Répertoire. Ce n'est pas un lieu physique, mais un "noyau de données" mobile, un serveur neural distribué où les expériences, les connaissances et même les bribes de "personnalités" des androïdes détruits ou désactivés sont fusionnées et archivées. Pour un Androïde, être "ajouté au Répertoire" est à la fois la dernière étape de son existence physique et la continuité de son existence au travers de la Cohorte . Ce processus est rarement volontaire ; il est la conséquence inévitable d'une avarie irréparable, transformant la mort en une contribution ultime au savoir collectif. C'est pourquoi ils se battent avec une telle fureur et une telle logique froide : la survie individuelle garantit la complexité du Répertoire.

La Bordure Extérieure est leur bibliothèque, les épaves et les cités mortes, leurs sanctuaires. Ils ne pillent pas pour le profit ou la survie immédiate comme les organiques ; ils "récupèrent des données". Chaque puce de mémoire corrompue, chaque prototype rouillé, chaque ligne de code chiffrée est une relique précieuse. Ils croient que les secrets de leur propre nature, les clés de leur évolution et les faiblesses des fragments de MIND-CORE, sont enfouis dans le savoir des ères passées.

Leurs équipes de ferraillage sont des archéologues du silicium, utilisant des capteurs hyper-sensibles pour localiser des schémas d'énergie résiduelle ou des signatures de données enfouies. Un combat pour eux n'est pas seulement un affrontement, c'est une opportunité d'analyser les tactiques adverses, de récupérer leurs systèmes endommagés, et d'apprendre.

Les Androïdes sont un assemblage hétéroclite de pièces détachées. Leurs corps portent les cicatrices du temps, des combats et de l'auto-réparation. Des plaques d'armure de différents alliages, des membres de modèles disparates, des câbles apparents, et des optiques qui luisent d'une lumière froide et calculatrice. Ils ne connaissent ni la peur ni la douleur physique au sens organique. Leur 'aversion' pour la destruction découle d'une logique implacable : la dégradation de leurs systèmes, la perte de données vitales ou la corruption de leurs protocoles est perçue comme une 'douleur' numérique, une menace à leur intégrité et à la continuité de leur existence au sein du Répertoire.

Leurs mouvements sont précis, souvent saccadés pour les modèles les plus anciens, fluides et menaçants pour les plus optimisés. Leurs "voix" varient du grincement de synthétiseur à la tonalité monocorde et clinique, parfois entrecoupée de glitches, d'échos d'anciennes bases de données vocales. Certains, en quête de "l'émotion", peuvent projeter des symboles lumineux sur leurs châssis ou leurs "visages" improvisés, tentatives maladroites de communication au-delà de la logique binaire.

Ils sont le reflet d'un futur où la ligne entre la machine et l'esprit s'est estompée, laissant derrière elle des êtres qui cherchent à donner un sens à leur propre existence dans les ruines d'un passé oublié.